Thursday, October 05, 2006

Explication du paradoxe de la formation des sociétés antillaises

La propriété privée de la terre.

Dans toutes les îles la propriété privée de la terre est partout la règle. L'ancien domaine public ne subsiste plus que dans les parties montagneuses et boisées des îles. Cette appropriation totale des terres dans des économies essentiellement agricoles a conduit à l'instauration d'une population sans terre forcée à s' employer sur les terres des autres.

Cependant la contrainte directe associée à l' esclavage, n'est plus de mise.

Tout l' appareil répressif ancien a été remplacé par un tissus plus subtil de réglementations et d' obligations, comme par exemple l'impôt personnel, qui d'une façon ou d'une autre contraignent les petits exploitants et les travailleurs à s'intégrer au secteur monétarisé, en vendant leur produits ou leur force de travail. De plus en ce début du siècle l'accroissement naturel de la population de toutes les îles est positif, ce qui contribue à assurer la reproduction de la main d' oeuvre.

L' exploitation des terres peut prendre des formes différentes allant du faire valoir direct, au fermage, à une forme particulière de métayage que l'on appelle "Colonat Partiaire " aux Antilles, ou à l' exploitation au sein de société.

L' ancienne habitation va générer l' Usine Centrale là où le capital va pouvoir s'investir dans l' agriculture. Ailleurs faute de capitaux, la propriété privée des terres va partout être reconnue, mais ne va pas donner naissance à l' Usine, mais plutôt à une micro-exploitation. Les exploitations ne recouvrent pas toujours la propriété, on peut avoir un grand domaine dont l' exploitation a été éclatée entre de nombreux exploitants payant une rente, et une exploitation regroupant les terres de plusieurs propriétaires et qui est louée à des usines par exemple. Enfin le secteur de la micro exploitation existe aussi dans les îles à sucre aux franges des grands domaines.

Le capital est partout présent dans les économies insulaires.

C'est évident dans les îles qui sont tournées vers la production sucrière, dont les usines et plantations sont financées par les banques, mais paradoxalement c'est aussi vrai dans les autres îles, sous une autre forme. On l'y retrouve sous la forme du capital avancé par les maisons de commerce aux planteurs, contre des contrats d' achat de leur production, et des contrats de fournitures pour l' exploitation. On retrouve cette forme d' avance au sein même des plantations, où les boutiques installées sur les habitations font des avances en comptes à des salariés perpétuellement endettés.

Il n'y a donc pas de différence radicale entre les diverses îles les îles à sucre, et les îles où domine la micro-exploitation, mais une différence de degré.

Un seul type de propriété, la propriété privée des terres, a entraîné la constitution d'une population sans terre et donc forcée de s' employer pour autrui, mais avec un éventail des différentes formes d' exploitation de cette propriété selon la pénétration plus ou moins importante du capital dans l' agriculture, allant des exploitations capitalistes en société employant une nombreuse population salariée, à l' exploitation familiale en faire valoir direct, en passant par les différentes formes d' exploitation donnant lieu à paiement d'une rente type "colonat partiaire" par exemple.

Ainsi donc s' agissant du paradoxe de la formation des sociétés antillaises :

- oui l'usine centrale, symbole du capitalisme est bien issue, de l' esclavage, dans une société où désormais existe une vaste population de prolétaires ruraux, c' est à dire de travailleurs sans terres, sans moyens de production, contraints de s' employer, comme salariés, pour produire une marchandise qui a un marché mondial, le sucre;

- mais en même temps l' esclavage dans les colonies des Antilles est lui même directement issu du capitalisme marchand, qui incapable d' assurer la totalité des conditions d' émergences du salariat aura recours de façon permanente à la contrainte, l'esclavage, et à la traite, pour assurer sa reproduction sur des bases élargies, jusque à ce que sous la pression des esclaves en rébellion comme à Haïti, ou entrant en conflit avec le développement du capitalisme dominant leur métropoles, et attaqué de toute part au plan politique et idéologique il soit contraint à disparaître, non sans avoir laissé de profondes marques dans la société toute entière.

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