Thursday, October 05, 2006

Contradictions et leur résolution idéologiques

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La question du renouvellement de la main d' oeuvre est fondamentale dans la persistance de l' esclavage. Tant que la reproduction naturelle de la population esclave par l' excédent de la natalité sur la mortalité ne fut pas atteinte, la traite fut considéré comme le seul moyen d'y parvenir.

Cela veut il dire que l'on institutionnalisait cette forme particulière du pillage, au rang de condition d' existence d'une société issue du capital ?

Or la société capitaliste marchande était parvenue en Europe, au terme d'un long processus, à supplanter les anciens liens féodaux, et à faire de l' échange de marchandise et non du pillage le mode normal de fonctionnement des "relations commerciales". Cette société allait elle les recréer dans un contexte colonial ?

Il y avait là une contradiction ! Cette contradiction ne put être levée qu'au prix de plusieurs constructions idéologiques.

* La première construction idéologique consista à s' exonérer de la responsabilité. Du fait de l'établissement en Afrique de comptoirs, où se troquait, à des Rois Africains, une autre marchandise les esclaves, ce sont ces Rois Africains qui offraient la seule marchandise possible, des esclaves. Les négriers, représentant de bons bourgeois, français , anglais, ou hollandais, n'avaient fait que de les acheter. Cela évitait de se poser la question de savoir si le fait de n'accepter que des esclaves contre des marchandises européennes contribuait à l'extension de l' esclavage africain. Ce qui fut largement démontré par la suite.

* La seconde construction opérera sur un mode similaire. Ce qui n' était à l'origine qu'un accident historique, et géographique, le fait que certains captifs fussent réduit en esclavages, le fait que ces esclaves achetés en Afrique étaient noirs, fut érigé en "Destin". Dans les sociétés coloniales en formation l'identification "noir = esclave", conduisit rapidement par un renversement de la cause et de l' effet sur un mode idéologique à produire "esclave parce que noir", et donc "marchandise puisque noir esclave".

Imaginons que' au lieu de noirs ce fussent des populations captives de type asiatiques, des "jaunes" qui eussent ainsi été proposé comme marchandise, alors on aurait eu " jaune = esclave", "esclave parce que jaune", "marchandise puisque jaune esclave". C 'est très exactement ce qui s' est produit dans les colonies hollandaises d' Indonésie et de Java, où ce sont des "jaunes" qui furent esclaves dans les plantations.

La couleur de la peau n' a donc rien de réel dans un tel processus idéologique, elle est là pour surdéterminer une différenciation sociale, et la constituer en "Destin".

Toute une idéologie raciste se structure alors pour justifier l'injustifiable pendant des siècles. Elle sera conduite à préciser soit dans la pratique sociales, soit dans des textes juridiques, la condition des esclaves, et les droits des maîtres.
* Après la violence de la traite, la violence au quotidien pour forcer l' esclave au travail, pour le punir du marronage.
* Ce qui caractérise à peu près partout ce système de sanction, c' est que la propriété de l'esclave est sacrée tant que l'institution de l' esclavage elle même n' est pas menacée. Elle peut être menacée, par la révolte concertée, il y en eu de tous temps, par l' empoisonnement réel ou supposé, par l'insolence, ou la violence d'un esclave à l' égard d'un blanc, et encore plus à l' égard d'une blanche. Lorsque qu'un esclave commet l'un de ces actes, c'est la mort qui attend l' esclave, et donc la disparition de la propriété pour son propriétaire.

Mais ce ne sont pas les seules contradictions.

A peine établie la libertée du commerce, elle sera battu en brèche tant dans les colonies anglaises que françaises. Pour faciliter le développement des plantations, les marchands anglais, ou français vont largement user de facilité du crédit et des avances aux planteurs. Cependant pour sécuriser leurs avances, ils prennent en garantie les produits futurs des exploitations. Il est donc impératif que les planteurs ne puissent pas aller vendre sur d' autres marchés leur production, en négligeant le paiement de leurs avances, d'où l'interdiction du commerce avec d' autres pays que la métropole.

De même sitôt devenues des marchandises la terre et les esclaves lorsqu'ils sont associés dans une sucrerie, sortent du marché du moins dans les colonies françaises. Aux îles la coutume qui devait s' appliquer, voulait qu'en terme de succession, on devait partager la propriété, ce qui n' était pas le cas des îles anglaises où le droit d' ainesse était appliqué. Comme il y avait un risque considérable en cas de succession, de voir disparaître l'exploitation sucrière, des règlements successifs décidèrent qu'il était interdit de séparer le fonds de terre des esclaves qui l' exploitait. Comme il était devenu impossible de saisir l'habitation pour une dette inférieure à la valeur totale de l' exploitation, cette dette se perpétua jusque au XIX° siècle. Il fallut attendre l'un des décrets d' abolition de 1848, autorisant la saisie pour une valeurs partielle de l'exploitation, pour mettre fin à cette situation.

L' esclave en tant que marchandise est aussi un humain capable de se reproduire, quel sort donner à l' enfant issu d'au moins l'un des parents esclave?

L' adage romain fut utilisé pour le déterminer "on ne sépare pas l' enfant du ventre de sa mère", si celle ci était libre l'enfant était libre, si elle était esclave l' enfant était esclave. Cela posait la question du statut en particulier des enfants nés d'un père blanc et d'une mère esclave.

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