Saturday, April 28, 2012

Google demande d'activer les blogs anciens faute de quoi ils passeront à la trappe.
Je vais refonder tout cela.

Saturday, October 07, 2006

REGARD CROISE DE L’HISTORIEN ET DE L’ECONOMISTE

Si en se plaçant historiquement au milieu du XX° siècle avant le grand mouvement de décolonisation, l’on examine, les sociétés que l'on rencontre dans la plupart des îles des Antilles à Puerto-Rico, Cuba, Saint Domingue, Antigue, Martinique, Guadeloupe, Barbade, Trinidad, Tobago Jamaïque, Haïti, Saint Vincent, Dominique et Grenade, pour ne citer que ces îles, on peut sans grand risque affirmer que ces sociétés sont le produit d'une histoire similaire récente.

Le regard des historiens .

La plupart des historiens s’accordent pour dire que l’histoire de ces sociétés des îles montre qu’elles sont toutes passées à peu près par les mêmes phases successives.

Ainsi leur histoire c’est celle de la colonisation des îles par les espagnols, dès le XVI° siècle, puis par les français, les anglais les hollandais et d'autres européens, au XVII° et au XVIII ° siècle, avec destructuration complète des sociétés amérindiennes comme la société Taïno. C’est ensuite l’histoire de la traite négrière transatlantique, du peuplement des îles et du développement d'une production sucrière fondée sur l'esclavage (Plantation system of the new world). Cependant il convient de remarquer qu'à côté du travail des esclaves a toujours subsisté une part de travail libre qui a varié d'îles en îles. Ce n'est qu' à certaines périodes que l'esclavage, dans certaines îles, va devenir le mode de production dominant la société. C’est ensuite l’histoire de l’abolition de l’esclavage, la plupart du temps accompagnée d’une période de transition au salariat, parfois d’une nouvelle immigration de travailleurs engagés, et le développement soit de la grande exploitation capitaliste sucrière et des usines à sucres, soit de la micro exploitation.

Reprenant les travaux des historiens, l’économiste s’interroge.

Il observe que les phases successives sont parfois comparativement éloignées de près d’un siècle. Pourquoi, le début et la fin de chaque phase successive peut elle être si différente d’une île à l’autre ? Pourquoi ces déphasages de près d’un siècle ?

Par exemple les îles espagnoles Cuba, Sainto Domingo, Puerto Rico, Trinidad ont été colonisées au XVI siècle l’esclavage y fut immédiatement introduit, mais ne deviendra dominant qu’au premier quart du XIX° siècle ? Pourquoi ?

Les îles successivement anglaises, françaises , hollandaises des petites Antilles, ont été colonisées au XVII° siècle, l’esclavage y fut introduit immédiatement, et en moins de trente ans y est devenu le mode de production dominant alors que le travail libre qui y subsista devint largement minoritaire.

Saint Domingue elle devint la plus grande colonie sucrière du nouveau monde au cours du XVIII° siècle. Et c’est pourtant là dans cette île devenue Haïti que ’esclavage est aboli dès 1794, l’île devient alors la première République Noire du nouveau monde. Pourtant l’esclavage bien que minoritaire subsiste dans la partie espagnole de Santo Domingo.

Dans ces îles des petites Antilles, l’esclavage fut aboli dans le courant du XIX° siècle (1834 dans les colonies anglaises, 1848 dans les colonies françaises) alors que l’esclavage devient alors dominant à Cuba à partir de 1825 et à Puerto Rico à peu près à la même période pour n’y être aboli qu’à la fin du XIX° siècle.

Quelle est l’origine de l’esclavage dans les îles ? Est il issu du féodalisme européen ? Est t’il issu d’une forme particulière du capitalisme ? Quel fut son devenir ? A t’il été à l’origine du capitalisme ? Certains auteurs estiment à la suite d' Eric Williams, que aux Antilles "l'esclavage a donné naissance au capitalisme", ce qui aurait tendance à conforter ceux qui écrivent que "l'esclavage y est issu du féodalisme", d' autres pensent au contraire que "l' esclavage est issu du capitalisme".

L’économiste s’intéresse à ce « paradoxe » concernant les îles des Antilles, car il lui semble que chacune des propositions était à la fois vraie et fausse et qu’il convient d’expliquer pourquoi.

On trouvera dans ce site la vision un peu théorique de l’économiste illustrée dans les annexes par des observations historiques précises sur telle où telle île que le lecteur pourra consulter.

Thursday, October 05, 2006

Le paradoxe de la formation des sociétés antillaises

Observons à quel moment l'esclavage est devenu dominant dans chaque île.


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Certains auteurs estiment à la suite d' Eric Williams, que aux Antilles "l'esclavage a donné naissance au capitalisme", ce qui aurait tendance à conforter ceux qui écrivent que "l'esclavage y est issu du féodalisme", d' autres pensent au contraire que "l' esclavage est issu du capitalisme".

Nous nous sommes intéressé à ce paradoxe concernant les îles des antilles, car il nous a semblé que chacune des propositions était à la fois vraie et fausse, et qu'il y aurait peut être une façon de l' éclairer d'un jour nouveau.

Il semble en effet qu'en prenant l'histoire et l' évolution d'un certain nombre d'îles Cuba, Puerto-Rico, Saint Domingue, Antigue, Martinique, Guadeloupe, Barbade, Trinidad, Tobago, Jamaïque, Haïti, Saint Vincent, Dominique et Grenade sur une période allant du XVI° siècle à la fin du XIX° siècle, et en choisissant convenablement certaines typologies, nous nous trouvions face à un véritable laboratoire expérimental, fait assez exceptionnel en matière de recherche historique. Il deviendrait possible à posteriori de mesurer l'impact de tel ou tel élément sur l'évolution et/ou la transformation de ces sociétés. (Une approche similaire est relevée dans "l' archipel inachevé".)

Pratiquement toutes les îles sont passées par une succession de phases similaires. (voir le graphique joint). Toutes les îles ont donc connu l'esclavage, mais pas forcément comme mode de production dominant, et l'esclavage n’est pas devenu dominant au même moment.

Notre hypothèse était que "si nous pouvions analyser et comprendre les mécanismes qui ont conduit à constituer l' esclavage comme mode de production dominant nous aurions un élément de la réponse au paradoxe".

En observant le graphique on remarque que les phases sont parfois totalement désynchronisées dans le temps et dans l'espace. Ainsi dans des îles pratiquement voisines, distantes de moins de 200 KM, les phases d'évolution se sont produites à pratiquement un siècle de distance.

Méthode :

Pour arriver à identifier et les phases, et les éléments explicatifs, nous avons effectué une démarche qui est partie du début du XX° siècle, de ce qui était connu. Nous nous sommes ensuite efforcé de remonter de proche en proche l'histoire d'un certain nombre d'îles, en nous intéressant chaque fois à toutes une série de facteurs : le statut de la terre, la disposition du capital argent, le rôle de la métropole vis à vis de sa colonie, la structure de la population, le taux de reproduction naturel, etc...Ceci va faire l'objet d'un article descriptif (in "Les Cahiers du Patrimoines" - Région Martinique)

A partir de là nous avons pu mener l' analyse ci après qui pour les besoins de l'exposition respecte la chronologie historique alors que c' est en partant du présent que de proche en proche, nous avons pu déterminer le rôle des différents facteurs.

La société coloniale esclavagiste est elle issue du Féodalisme?


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Il nous faut séparer le cas des colonies espagnoles du cas des colonies françaises et anglaises, non pas du fait du statut de leur métropole, mais parce que la colonisation eu lieu au début du XVI° siècle à Cuba, Puerto Rico, ou Santo Domingo, alors qu'elle se produisit un siècle plus tard dans les autres colonies.

Lorsque Christophe Colomb part pour les Indes, il n'y part pas pour se constituer un fief, il y part comme marchand à la recherche de la route des Indes. La terre reste la propriété de la Couronne, mais son usage en est concédé. La logique coloniale économique, pousse à l'organisation de la production avec le travail des indiens dans l' "Encomienda", et le "Repartimiento", qui sont en effet des institutions qui par certains côtés ressemblent à la fixation des serfs sur les terres du seigneur caractéristique du système féodal. La destruction rapide des sociétés amérindiennes et l'interdiction de mettre les indiens en esclavage vont cependant arrêter l'instauration du système féodal dans les îles espagnoles.

Cependant alors même que la canne à sucre est introduite dès 1500, et que l'on observe l'introduction d'esclaves "maures" ou "africains"l'esclavage ne devint jamais la forme dominante de la production sociale à Santo Domingo, tandis que à Cuba ou à Puerto Rico il ne le devient qu' au XIX° siècle, et même principalement dans les années 1830-1850 alors que l'esclavage est déjà aboli à Haïti, l'île voisine, ou dans les îles anglaises. Il semble donc difficile de pousser le "féodalisme" à Cuba ou à Puerto Rico jusque à cette période moderne.

Le cas de Trinidad, qui va connaître une très importante réforme sous la forme d'un Cedulia de 1783, la conduisant en moins de 10 ans à développer des sucreries exploitant des esclaves, confirme ce qui sera visible plus tard à Cuba et Puerto Rico après 1815, la nécessité de l' appropriation de la terre, et la nécessité de capitaux pour que se développe l'esclavage.Ce qui permet de comprendre que l' esclavage ne fut jamais le mode de production dominant à Santo Domingo.

Dans le cas des autres colonies européennes, il convient de parler du rôle spécifique qu'ont joués les Pays Bas en particulier au XVI° et au début du XVII° siècle. Les flamands se sont constitués en République de Marchands à cette époque leur richesse et leur puissance ils la devaient à leur importante flotte, et aux Compagnies qu'ils avaient pu monter. Ils maîtrisaient la production et le raffinage des sucres, et ils avaient mis en pratique ces connaissances dans les établissements qu'ils avaient monté au Brésil dont ils avaient en partie chassé les Portugais. Ils ont développé et la traite et l' institution de l'esclavage.

Lorsque Français et Anglais colonisent les îles au début du XVII° siècle, ils le font pratiquement après un siècle de présence dans la zone, sous la forme d' opérations de flibuste. Habitués à des profits considérables les marchands qui au début du XVII° siècle vont envisager le commerce du Tabac, vont rechercher des profits similaires. Ils vont dans l' organisation et le financement de la traite et du voyage triangulaire retrouver les profits des anciennes opérations de flibuste.

Les colonies anglaises et françaises ont connu des évolutions très similaires. Cependant certains cas éclairent l' analyse, c'est le cas de Tobago, entre 1760 et 1770, l'île qui a été laissée vierge à moins de 200 km de Barbade couverte de sucreries depuis 125 ans, va être achetée lotie contruite et couverte de sucreries avec des capitaux Ecossais principalement. Le cas des îles françaises et Anglaises montrent que la combinaison de la propriété privée de la terre, des avances en capitaux faites par les marchands, et de l'action politique des Etats , va être déterminant dans l'instauration de l' esclavage comme mode de production dominant.

Autrement dit le développement de l' esclavage est non pas issu du"Féodalisme" mais d'un stade particulier du capitalisme, le "Capitalisme Marchand".

A l' origine de la société esclavagiste le capital marchand

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Les éléments qui auraient pu conduire au capitalisme fondé sur le salariat :

Dès le XVII° siècle se trouvaient réunis (en particulier dans les îles françaises) quelques un des principaux éléments qui auraient pu conduire plus directement du capitalisme marchand qui organise la colonisation et le développement de la production, au capitalisme fondé sur le salariat :
- la propriété privée de la terre, qui constitue un groupe de propriétaires et de non propriétaires;
- un capital marchand accumulé dans certains ports de la métropole, rodé aux opérations commerciales, et qui s'investit dans des opérations d' exploitation dans les îles;
- un pouvoir central qui est prêt (sauf dans les colonies espagnoles) à encourager le développement des exploitations;
- les marchands et représentants de l' État peuvent intervenir directement, ou par le biais de Compagnies crées à cet effet et drainant d'importants capitaux; (Le capital prend donc la forme collective d'une personne morale);
- une monnaie coloniale la livre de tabac; la livre de sucre puis la livre Tournoi, qui est une monnaie de compte, une monnaie scripturale, mais pour laquelle il y a un marché (A la fin du XX° siècle on parlerait d'instruments financiers, traités sur des marchés à terme);
- un marché pour l' écoulement des produits coloniaux;
- une population dans les métropoles, prête à s'expatrier dans les colonies, et qui ne possède que sa force de travail, qu'elle alloue à temps, devenant "Engagé" aux îles;
- la maîtrise à un certain niveau de techniques de production;
- une forme primitive de la séparation de l' agriculture et de la manufacture, le moulin concédé exclusivement pour 5 ans auquel plusieurs habitations doivent porter leur cannes à sucre. (Les Usines Centrales seront crées à la fin du XIX° siècle, après négociation de contrat exclusifs de 10 ans pour la fourniture de cannes entre l'usine et les habitations.
- Il était donc théoriquement possible d'organiser une production sucrière avec une sucrerie équipée disposant de sa main d' oeuvre d'une part, construite au centre de plusieurs exploitations plantées en cannes.

Mais il existe aussi des éléments qui freinent le développement du salariat.

Les freins au salariat :

- Il n'y a pas ou peu de numéraire aux îles, de monnaie en pièces par exemple, mais seulement diverses formes de monnaies de comptes payables donc à terme;
- Il n' existe pas dans les îles de main d'oeuvre importante, séparée des moyens de production et contrainte de s'employer pour autrui en recevant un salaire, en monnaie ou en produit.
- La structure même de cette main d'oeuvre, majoritairement constituée d' homme, (des travailleurs immigrés dirait on au XX° siècle) interdit qu'elle puisse atteindre sa reproduction naturelle. Cela aurait nécessité à la fois un rééquilibrage du ratio hommes /femmes, et un taux de natalité élevé, pour compenser une mortalité élevée.
- Il faut donc si on veut développer la production, introduire sans arrêt de la main d'oeuvre aux îles. D'autant que s'il est possible de produire du tabac avec quelques "engagés" la production de sucre nécessite une division technique du travail, des capitaux et une main d' oeuvre nombreuse.
- La main d' oeuvre d' "Engagés" sous contrat, a cette fâcheuse habitude une fois le contrat terminé, de quitter l' exploitation se transformant non pas en travailleur salarié, mais en petit exploitant indépendant après avoir obtenu ou acheté à terme" une concession.
- Il est difficile de les amener à travailler pour autrui, après leur contrat, tant il est clair pour eux qu'ils gagneront plus en devenant travailleur indépendant que travailleur salarié, et que le statut social du colon indépendant est plus valorisé que celui de salarié.
- Il est aussi difficile de demander à des colons d'offrir en fonction de leur disponibilité un travail au jour le jour, car il n'est pas possible de les payer immédiatement en numéraire, on ne peut que les payer qu'en compte payable à terme;
- A côté de cette main d' oeuvre libre, existe de façon marginale aux îles dès le début de la colonisation quelques esclaves noirs, transportés d' Afrique. Il est possible de les contraindre au travail, et de les empêcher de devenir indépendants.
- L'introduction de main d' oeuvre qu'elle soit de nouveaux engagés, ou d' esclaves s'analyse comme une opération de préfinancement par un marchand, ou une compagnie de l' achat par une colon installé aux îles d'une certaine quantité prévisionnelle de travail. Ce préfinancement est payé à terme au moyen de la remise d'une certaine quantité de marchandise, livre de tabac, ou livre de sucre, qui ensuite sera vendue, permettant au marchand de rentrer dans ses fonds engagés.

Produire du sucre dans ces conditions voudrait dire soit organiser un recrutement quasi permanent de nouveaux engagés, soit instaurer un système de contrainte sur les engagés libérés pour les forcer à travailler, soit intensifier par la traite le recours aux esclaves africains, dont la présence aux îles était jusque alors marginale.

Les acteurs de la décisions

Il y a cinq types de protagonistes qui sont concernés par la décision: les Colons; les marchands; l' État colonial; les Engagés; les Esclaves.

Pour le Colon, le préfinancement demandé pour chaque engagé, est moins élevé, que celui nécessaire pour un esclave. Cependant si sur une période de trois ans, il a bon espoir de récupérer sa mise dans une plantation en tabac, il est impossible de faire de même sur une exploitation nouvellement plantée en canne. En effet la première récolte en canne prend 16 à 18 mois, pour mener les cannes au stade de la récolte, la seconde prendra alors 12 mois en rejetons de canne coupée. Si on ajoute les quelques mois de défrichage, Il y aura donc moins de deux récoltes possibles avec des "Engagés" de trois ans. Pour lui la question est donc, suis je sur de trouver dans trois ans de nouveaux engagés qui viendront remplacer ceux qui auront quitté l' exploitation ?

Le rôle de l' État va alors être déterminant, il pouvait imposer un peuplement principalement d' engagés, en apportant son soutien financier et politique c' est ce que voulait Richelieu, pour lequel une population française nombreuse dans une colonie serait capable de s'opposer aux espagnols; mais il pouvait aussi encourager la traite et l'esclavage. C'est exactement ce que fit Colbert. Il contribua à la constitution d'une compagnie à Privilège chargée d'introduire des esclaves aux colonies et qui bénéficiât d'une prime pour l'introduction de chaque esclave.

Le marchand qui va assurer le préfinancement de l'opération se demande s'il est sur de pouvoir entrer totalement dans mes fonds, en aidant un colon à construire une sucrerie, et en l' aidant lui ou d'autres à trouver de la main d' oeuvre pour récolter de la canne ? Combien cette opération va t' elle me rapporter ? Est il possible d' améliorer financièrement l'opération ? Oui si on peut réaliser une première opération commerciale en allant chercher la main d' oeuvre à transporter,. En proposant de recruter des esclaves plutôt que des engagés, il devenait possible d' exporter vers l' Afrique des marchandises de pacotille, de les échanger contre des esclaves valant n fois plus, d' apporter ces esclaves aux Antilles, de les céder contre des marchandises de retour, du tabac, ou du sucre. Le capital marchand va découvrir dans le financement de la traite des esclaves, "marchandise humaine" une importante source de profit, tout à fait comparable à celle qu'elle retirait anciennement des opérations de course, il va donc pousser au développement de la traite et du "commerce triangulaire".

Pour l'Engagé La question est de survivre jusqu' à la fin de son temps d' engagement, afin de pouvoir à son tour faire fortune aux îles.

L' Esclave seul n'eut jamais rien à dire, il subit la violence, le rapt, moyens considérés comme normaux alors de s'enrichir pour les marchands flibustiers.

Un nouveau mode de production dominé par l' esclavage est en train de s'instaurer.

Ce n'est pas là seulement un choix alternatif d'utilisation d'un type de main d' oeuvre, c'est l'indice que la société est en train de profondément se transformer. Cela fera basculer le système, du travail libre au travail servile.

Les sociétés antillaises en formation combinent à la fois, la propriété privée de la terre, qui est donc devenue une marchandise, qui assure déjà la séparation de la société entre ceux qui possèdent la terre, et ceux qui n' en ont pas; les avances du capital marchand, qui recherche le développement de productions spéculatives exportés, l' argent est donc lui aussi une marchandise et la propriété des esclaves devenus eux aussi marchandise.

L' esclavage dans les îles de la caraïbe est donc le produit d'une forme particulière du capitalisme, le "Capitalisme Marchand", et non du "Féodalisme".

La question du renouvellement de la main d'oeuvre

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Le cas des îles espagnoles et la pseudo explication concernant l'impossibilité du travail des blancs aux îles.

Si les îles espagnoles échappent jusque au XIX° siècle au développement de l' esclavage, c'est qu'il y manquaient deux éléments indispensables, la propriété de la terre sanctionnant la non propriété, et surtout le capital argent dont l' exportation est interdite vers les colonies.

Dès que au XIX° siècle ces restrictions seront levées, alors on assistera au développement accéléré de la production sucrière fondée sur l' esclavage, et la traite, qui est pourtant combattue et/ou interdite par des traités internationaux.

On voit encore parfois écrit que l' esclavage s' est développé parce que les européens blancs, ne pouvaient pas travailler aux îles. Une telle proposition est doublement fausse puisque dans toutes les îles le travail d' engagés blanc a précédé le travail esclave, et que à Cuba ou Puerto Rico cette population blanche fut majoritaire jusqu'au XIX° siècle.

La réification de l'esclave dans l'esclavage :

L' esclavage n' est pas seulement une simple façon d' exploiter le travail humain, de forcer un individu à céder sous forme de travail, ce qu'il peut fournir au delà de ce qui lui est nécessaire à assurer ses besoins vitaux, de nombreuses sociétés humaines arrivent à des résultats similaires, par d' autres moyens, paiement de rentes élevées par les paysans, obligation de corvée, ou même paiement de salaires de misères.

Ce qui caractérise fondamentalement l' esclavage en général c' est la propriété de l'homme par l'homme. Une partie de l'humanité ramène l'autre au rang de chose, comme simple accessoire de sa propre reproduction. Le maître propriétaire fixe à la fois ce qu'il considère comme le nécessaire vital à l' esclave, en lui fournissant sa nourriture, ou en lui laissant un certain temps libre pour se la procurer par lui même en cultivant un jardin vivrier par exemple, et le surplus en fixant la durée et les modalités de travail. La totalité du surplus est approprié. L'esclave n' avait pour alternative que de sortir du système en s' échappant, maronnant, parfois en se suicidant, ou à opposer une résistance passive en limitant l'intensité de son travail ce qui l' exposait à des punitions, pour le contraindre à travailler.

La question du renouvellement de la main d' oeuvre est fondamentale dans la persistance de l' esclavage. Tant que la reproduction naturelle de la population esclave par l' excédent de la natalité sur la mortalité ne fut pas atteinte, la traite fut considéré comme le seul moyen d'y parvenir.

(Voir le lien sur la Traite Martinique).

Contradictions et leur résolution idéologiques

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La question du renouvellement de la main d' oeuvre est fondamentale dans la persistance de l' esclavage. Tant que la reproduction naturelle de la population esclave par l' excédent de la natalité sur la mortalité ne fut pas atteinte, la traite fut considéré comme le seul moyen d'y parvenir.

Cela veut il dire que l'on institutionnalisait cette forme particulière du pillage, au rang de condition d' existence d'une société issue du capital ?

Or la société capitaliste marchande était parvenue en Europe, au terme d'un long processus, à supplanter les anciens liens féodaux, et à faire de l' échange de marchandise et non du pillage le mode normal de fonctionnement des "relations commerciales". Cette société allait elle les recréer dans un contexte colonial ?

Il y avait là une contradiction ! Cette contradiction ne put être levée qu'au prix de plusieurs constructions idéologiques.

* La première construction idéologique consista à s' exonérer de la responsabilité. Du fait de l'établissement en Afrique de comptoirs, où se troquait, à des Rois Africains, une autre marchandise les esclaves, ce sont ces Rois Africains qui offraient la seule marchandise possible, des esclaves. Les négriers, représentant de bons bourgeois, français , anglais, ou hollandais, n'avaient fait que de les acheter. Cela évitait de se poser la question de savoir si le fait de n'accepter que des esclaves contre des marchandises européennes contribuait à l'extension de l' esclavage africain. Ce qui fut largement démontré par la suite.

* La seconde construction opérera sur un mode similaire. Ce qui n' était à l'origine qu'un accident historique, et géographique, le fait que certains captifs fussent réduit en esclavages, le fait que ces esclaves achetés en Afrique étaient noirs, fut érigé en "Destin". Dans les sociétés coloniales en formation l'identification "noir = esclave", conduisit rapidement par un renversement de la cause et de l' effet sur un mode idéologique à produire "esclave parce que noir", et donc "marchandise puisque noir esclave".

Imaginons que' au lieu de noirs ce fussent des populations captives de type asiatiques, des "jaunes" qui eussent ainsi été proposé comme marchandise, alors on aurait eu " jaune = esclave", "esclave parce que jaune", "marchandise puisque jaune esclave". C 'est très exactement ce qui s' est produit dans les colonies hollandaises d' Indonésie et de Java, où ce sont des "jaunes" qui furent esclaves dans les plantations.

La couleur de la peau n' a donc rien de réel dans un tel processus idéologique, elle est là pour surdéterminer une différenciation sociale, et la constituer en "Destin".

Toute une idéologie raciste se structure alors pour justifier l'injustifiable pendant des siècles. Elle sera conduite à préciser soit dans la pratique sociales, soit dans des textes juridiques, la condition des esclaves, et les droits des maîtres.
* Après la violence de la traite, la violence au quotidien pour forcer l' esclave au travail, pour le punir du marronage.
* Ce qui caractérise à peu près partout ce système de sanction, c' est que la propriété de l'esclave est sacrée tant que l'institution de l' esclavage elle même n' est pas menacée. Elle peut être menacée, par la révolte concertée, il y en eu de tous temps, par l' empoisonnement réel ou supposé, par l'insolence, ou la violence d'un esclave à l' égard d'un blanc, et encore plus à l' égard d'une blanche. Lorsque qu'un esclave commet l'un de ces actes, c'est la mort qui attend l' esclave, et donc la disparition de la propriété pour son propriétaire.

Mais ce ne sont pas les seules contradictions.

A peine établie la libertée du commerce, elle sera battu en brèche tant dans les colonies anglaises que françaises. Pour faciliter le développement des plantations, les marchands anglais, ou français vont largement user de facilité du crédit et des avances aux planteurs. Cependant pour sécuriser leurs avances, ils prennent en garantie les produits futurs des exploitations. Il est donc impératif que les planteurs ne puissent pas aller vendre sur d' autres marchés leur production, en négligeant le paiement de leurs avances, d'où l'interdiction du commerce avec d' autres pays que la métropole.

De même sitôt devenues des marchandises la terre et les esclaves lorsqu'ils sont associés dans une sucrerie, sortent du marché du moins dans les colonies françaises. Aux îles la coutume qui devait s' appliquer, voulait qu'en terme de succession, on devait partager la propriété, ce qui n' était pas le cas des îles anglaises où le droit d' ainesse était appliqué. Comme il y avait un risque considérable en cas de succession, de voir disparaître l'exploitation sucrière, des règlements successifs décidèrent qu'il était interdit de séparer le fonds de terre des esclaves qui l' exploitait. Comme il était devenu impossible de saisir l'habitation pour une dette inférieure à la valeur totale de l' exploitation, cette dette se perpétua jusque au XIX° siècle. Il fallut attendre l'un des décrets d' abolition de 1848, autorisant la saisie pour une valeurs partielle de l'exploitation, pour mettre fin à cette situation.

L' esclave en tant que marchandise est aussi un humain capable de se reproduire, quel sort donner à l' enfant issu d'au moins l'un des parents esclave?

L' adage romain fut utilisé pour le déterminer "on ne sépare pas l' enfant du ventre de sa mère", si celle ci était libre l'enfant était libre, si elle était esclave l' enfant était esclave. Cela posait la question du statut en particulier des enfants nés d'un père blanc et d'une mère esclave.

La transition de l'esclavage au salariat

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Nous avons vu que l' esclave en tant que marchandise est aussi un humain capable de se reproduire. Quel sort donner à l' enfant issu d'au moins l'un des parents esclave. L' adage romain fut utilisé pour le déterminer "on ne sépare pas l' enfant du ventre de sa mère", si celle ci était libre l'enfant était libre, si elle était esclave l' enfant était esclave.

Cela posait la question du statut en particulier des enfants nés d'un père blanc et d'une mère esclave. Il y eu de nombreuses façons de tourner cette règlementation dès la fin du XVII° siècle alors que le Code Noir venait d'être publié.

A la fin du XVIII° siècle et surtout au cours du XIX° siècle, on va atteindre ou dépasser dans pratiquement chacune des îles, la reproduction naturelle des populations. Il devient possible d' envisager de constituer une classe de travailleurs libres et sans terres, des salariés en quelque sorte forcés de travailler pour vivre. De nombreuses voix s' élèvent pour des raisons morales, ou pour des raisons économiques contre l' institution de l'esclavage et contre la traite. Elles rejoignent les luttes et les révoltes des esclaves eux même dans les diverse îles.

La question de la suppression de l' esclavage, conduisit à toutes sortes de contorsions idéologiques, dans la mesure où dans le même temps on ne voulait, ni atteindre la propriété, ni atteindre la garantie que représentait les esclaves sur une exploitation aux avances consenties par des commerçants ou négociant des métropoles.

Ce qui fut le plus tôt combattue ce fut la traite négrière.

Interdite par des traités internationaux qui furent progressivement ratifiées entre 1807 et 1840 par la plupart des pays européens, elle va s'intensifier en particulier du fait des négriers américains vers Cuba où le Brésil au milieu du XIX° siècle. Dans le cas de la France, cette interdiction fut pratiquement sans effet jusque en 1831, ce fût à cette date que les armateurs, et non plus seulement le capitaine et l' équipage d'un navire négrier furent poursuivi pour crime.(C' est à cette date que furent constatés les deux derniers navires négrier à la Martinique l'un au Robert, l' autre au Diamant).

Il fût ainsi proposés dans différents pays de définir comme libres les enfants à naître des femmes esclaves. Associé à l'interdiction de la traite, un tel système devait conduire à l'extinction de l' esclavage. Il fut proposé de libérer certaines catégories d' esclaves. Ce fut par exemple le cas des divers textes libérant les esclaves qui pour une raison particulière s'étaient bien conduit par exemple dans la défense du territoire, ou des esclaves appartenant aux différentes Couronnes d' Europe qui furent généralement libérés avant les autres.

Abolition et indemnité

Au centre de la question de l' abolition de l' esclavage, subsiste la question comment offrir des compensations à la perte de valeur d'une ancienne marchandise ? C' est la question de l'indemnisation pour la remise en cause d'un droit sacré la propriété (et non pour le prix de la douleur). Elle fut résolue de trois façons différentes : l' esclave se rachète lui même; l'État paie une indemnisation; il n'y a pas d'indemnisation.

Dans les îles anglaises, l' abolition est proclamée en 1833, mais pendant cinq ans s' ouvre une période d' apprentissage, pendant laquelle les nouveaux libres salariés, doivent rester sur les habitations, garantissant ainsi une certaine quantité de travail que l'on peut considérer comme la façon pour les anciens esclaves de payer leur liberté.

Dans les îles françaises, c'est une Commission d' Indemnisation qui va fixer, l'indemnisation. Il faut dire que la "Réaction" a repris le pouvoir aux "Radicaux" de la II° République, et que les négociants y étaient bien représentés. L'un des membres ayant fait remarquer qu' on ne devait indemniser que pour les esclaves introduits légalement avant l'interdiction de la traite. La commission trancha sur un moyen terme. On n' indemniserait pas pour les esclaves introduits après 1831, c' était reconnaître la fin effective de la traite à cette date. De plus une partie de l'indemnité a servi à constituer le capital des Banques d'Émission comme celle de la Martinique (devenue la BDAF) chargées d' offrir le numéraire nécessaire au paiement des salaires.

Le troisième cas est plus radical, l' abolition étant le résultat d'une guerre de libération Cuba, ou d'une guerre civile USA, il n'y eu pas d'indemnisation. Cependant contrairement à une idée reçu dans le cas d' Haïti, il y eu bien des années après l' abolition une forme d'indemnisation. En effet après avoir tenté sous Napoléon de reconquérir Haïti, la France, va organiser le blocus diplomatique et économique d' Haïti , tant qu'il n'y aura pas eu de règlement d'une indemnisation. C' est sous Boyer que sera négociée une indemnisation pour les biens "nationalisés" à Haïti, sous la forme d'une rente, qui incontestablement comporte une indemnisation partielle pour les esclaves. Ce prélèvement constituera un frein au développement de l'île.

Ainsi après 150 à 250 ans selon les îles l' esclavage, dont on a vu qu'il était le produit colonial du capitalisme marchand, va à son tour disparaître et céder la place à un "Capitalisme fondé sur le Salariat", symbolisé soit par le triomphe des Usines Centrales, soit par le triomphe de la micro-exploitation payant rente. On peut dire que l'esclavage a produit le capitalisme dans les îles.

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De l'esclavage au salariat

L' esclavage, le produit colonial du capitalisme marchand, va à son tour disparaître et céder au bout de 150 à 250 ans selon les îles la place à un "Capitalisme fondé sur le salariat".

Donc l'esclavage a produit le capitalisme dans les îles, mais de quoi était il lui même issu ?

On voit le triomphe des Usines Centrales, mais on oublie parfois aussi la place de la micro-exploitation payant rente. On peut dire que l'esclavage a produit le capitalisme dans les îles.

Dans le cas d'Haïti il n' y eu pas le passage direct au salariat, mais la reconstitution d'une nouvelle forme de petit paysannat le plus souvent obligé de payer rente à des habitants des villes soldats, fonctionnaires ou marchands qui eux avaient obtenu la propriété de la terre des mains du pouvoir central.

Ce passage de l' esclavage au salariat ne s' effectua cependant pratiquement nul part de façon quasi automatique, sauf dans les petites îles comme Antigue ou Barbades par exemple, où toutes les terres étant totalement appropriées, et occupées, les esclaves libérés furent contraint pour survivre de se transformer immédiatement en salariés sans terre. Partout ailleurs il y eu une période de transition, accompagnée le plus souvent d'une législation répressive du travail que ce soit l' apprentissage dans les îles anglaises, ou le Livret et le travail semi forcé organisé sous le second Empire dans les îles Françaises.

Dans la plupart des îles qui offraient la possibilité aux anciens esclaves de s'installer en dehors du système, sur des terres non occupées, même si elles étaient propriété privés de tiers, on assista à un départ des nouveaux libres hors des habitations.

La question du paiement des salaires.

Le paiement faute de numéraire, des libres dans le cadre de l' "Association" avec une partie de la production de sucre, ne pouvait fonctionner, et les retenir sur les exploitations, que s'il était possible dans des conditions simples aux nouveaux libres d' emprunter sur leur part future de sucre, ou de vendre facilement ce sucre, pour obtenir les marchandises dont ils avaient besoin, comme morue salée, boeuf salé, huile, habitudes alimentaires nées sous l' esclavage, où celles dont ils avaient été privés comme les vêtements, ou les chaussures, dont le port leur était interdit du temps de l' esclavage. Ce ne fut pas le cas, ils quittèrent donc les habitations. La plus part du temps ce départ eu lieu après la récolte pendante des jardins vivriers dont le produits de tout temps avait été acquis à ceux qui les cultivaient. Dans les îles française, les litiges furent réglés par le Jury Cantonaux".

Devant ce mouvement généralisé qu'ils ne parvinrent pas à endiguer, les autorités coloniales prirent trois types de décisions, taxer les nouveaux libres, limiter les mouvements au motif de lutte contre le vagabondage, organiser l'immigration d'une nouvelle population d' "engagés".

Des taxes diverses furent partout instituées, elles ne frappait pas ceux qui pouvaient prouver leur qualité de "propriétaire", autrement dit les blancs et les riches. Pour les payer les travailleurs "libres" devaient disposer de numéraire, à défaut les contrevenants voyaient ces taxes transformées en journées de travail. Cette "corvée" pouvait être réalisée au profit des organismes étatiques ou sur des habitations. Le paiement de ces taxes ou corvées, était porté sur des documents que les travailleurs pour la plupart ne pouvaient pas lire et vérifier, ce qui donna fréquemment lieu on l' imagine à de nombreux abus.

Pour "soit disant" lutter contre le vagabondage, on institua dès règles destinées à limiter les possibilités de mouvement à l' intérieur des îles, ce fut le "Passeport à l' Intérieur". Dans les îles les plus vastes comme à Trinidad, des zones entières furent décrétées zones interdites, ce fut par exemple toutes les parties montagneuses. Il était interdit de s'installer dans ces zones pour y monter cases et jardins. Ces règles avaient pour objet de limiter l'indépendance des nouveaux libres, pour les laisser dans l' orbite des plantations. Les contraventions à ces règlements donnaient lieu à des amendes immédiatement converties s'il le fallait en journées de travail. Une alternative était proposée par certains planteurs celle de loger des familles, contre un engagement de fournir un minimum de temps de travail sur l' exploitation, ce furent les "gens casés".

Ces mesures n' étaient pas considérés comme partout suffisantes, pour assurer un travail continu aux plantations sucrières, on eu alors recours à "l'Immigration".

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L'immigration après l'abolition de l'esclavage

L'immigrant c'est le nouvel "engagé", cependant pas question comme au XVII° siècle de limiter son contrat à 36 mois ou 3 ans. Les contrats étaient beaucoup plus longs, de cinq ans à huit ans comme pour les "Congo" dans les îles françaises.

La source de l'immigration ne fut pas la même dans les différentes îles.

Dans les colonies anglaises, comme Trinidad et le Guyana, l'immigration trouva sa source dans l'engagement d' immigrants en provenance de l' Inde que les anglais occupaient maintenant. Ce mouvement commença tout de suite après la fin de la période d' apprentissage. Dès 1839 une mission française en provenance de Martinique ira à Trinidad examiner cette forme d'immigration. Cette immigration s' est poursuivie jusqu'à la première guerre mondiale.

Au début dans les îles françaises entre 1857 et 1861 ce furent des "Africains", des "Crewman" population de l'ouest africain lors des premiers convois, puis ensuite des "Congos". Ceux ci étaient des esclaves rachetés, (comme dans les factories voisines qui continuaient la traite vers Cuba, ou le Brésil), puis libérés contre l' obligation d'un engagement de huit ans. Pour justifier cette méthode on réutilisa les poncifs les plus éculés, ces anciens esclaves entraient ainsi dans la civilisation, et évitaient d' être victime de cannibalisme.

Rapidement des voix s' élevèrent contre cette forme d'immigration africaine qui n' était somme toute qu'une variante de l' ancienne traite. Le coup de grave vint du fait que les Anglais firent de sa suppression, la condition de la signature d'un traité Franco-Anglais sous le II° Empire.

Ensuite toujours dans les îles françaises c' est surtout l'immigration en provenance des comptoirs de l' Inde que vint la grande majorité des immigrants entre 1856 et 1874. Il y eu aussi quelques immigrants chinois en fin de période.

A Cuba, l'immigration chinoise fut la plus nombreuse, plus de 130.000 immigrants entre 1848 et 1871.

A Surinam l'immigration provint dans un premier temps des colonies hollandaises de Java.

On comprend mieux alors l'impact que ces mouvements massifs de population purent avoir sur la structure et la dynamique de l' accroissement de la population des différentes îles et l'instauration du salariat.

Partout l'accroissement naturel des populations est assurés, comme est maintenant assuré l' instauration du salariat lorsque prirent fin les contrats d'engagement, le mode de paiement normal du travail fut la journée de travail, ou la "tache".

Cette période de transition confirme le passage de l' esclavage issu du capitalisme marchand au capitalisme fondé sur le salariat.

Cette période de transition est marquée parfois par les dernières grandes convulsions relevant de la révolte anti-esclavagiste comme "la Révolte du Sud" en 1870 à la Martinique. S'ouvre alors le début de la période des grandes grèves qui ponctuent l' émergence de mouvements syndicaux dans les diverses îles des Antilles, comme par exemple la grande grève de 1900 à la Martinique.

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Explication du paradoxe de la formation des sociétés antillaises

La propriété privée de la terre.

Dans toutes les îles la propriété privée de la terre est partout la règle. L'ancien domaine public ne subsiste plus que dans les parties montagneuses et boisées des îles. Cette appropriation totale des terres dans des économies essentiellement agricoles a conduit à l'instauration d'une population sans terre forcée à s' employer sur les terres des autres.

Cependant la contrainte directe associée à l' esclavage, n'est plus de mise.

Tout l' appareil répressif ancien a été remplacé par un tissus plus subtil de réglementations et d' obligations, comme par exemple l'impôt personnel, qui d'une façon ou d'une autre contraignent les petits exploitants et les travailleurs à s'intégrer au secteur monétarisé, en vendant leur produits ou leur force de travail. De plus en ce début du siècle l'accroissement naturel de la population de toutes les îles est positif, ce qui contribue à assurer la reproduction de la main d' oeuvre.

L' exploitation des terres peut prendre des formes différentes allant du faire valoir direct, au fermage, à une forme particulière de métayage que l'on appelle "Colonat Partiaire " aux Antilles, ou à l' exploitation au sein de société.

L' ancienne habitation va générer l' Usine Centrale là où le capital va pouvoir s'investir dans l' agriculture. Ailleurs faute de capitaux, la propriété privée des terres va partout être reconnue, mais ne va pas donner naissance à l' Usine, mais plutôt à une micro-exploitation. Les exploitations ne recouvrent pas toujours la propriété, on peut avoir un grand domaine dont l' exploitation a été éclatée entre de nombreux exploitants payant une rente, et une exploitation regroupant les terres de plusieurs propriétaires et qui est louée à des usines par exemple. Enfin le secteur de la micro exploitation existe aussi dans les îles à sucre aux franges des grands domaines.

Le capital est partout présent dans les économies insulaires.

C'est évident dans les îles qui sont tournées vers la production sucrière, dont les usines et plantations sont financées par les banques, mais paradoxalement c'est aussi vrai dans les autres îles, sous une autre forme. On l'y retrouve sous la forme du capital avancé par les maisons de commerce aux planteurs, contre des contrats d' achat de leur production, et des contrats de fournitures pour l' exploitation. On retrouve cette forme d' avance au sein même des plantations, où les boutiques installées sur les habitations font des avances en comptes à des salariés perpétuellement endettés.

Il n'y a donc pas de différence radicale entre les diverses îles les îles à sucre, et les îles où domine la micro-exploitation, mais une différence de degré.

Un seul type de propriété, la propriété privée des terres, a entraîné la constitution d'une population sans terre et donc forcée de s' employer pour autrui, mais avec un éventail des différentes formes d' exploitation de cette propriété selon la pénétration plus ou moins importante du capital dans l' agriculture, allant des exploitations capitalistes en société employant une nombreuse population salariée, à l' exploitation familiale en faire valoir direct, en passant par les différentes formes d' exploitation donnant lieu à paiement d'une rente type "colonat partiaire" par exemple.

Ainsi donc s' agissant du paradoxe de la formation des sociétés antillaises :

- oui l'usine centrale, symbole du capitalisme est bien issue, de l' esclavage, dans une société où désormais existe une vaste population de prolétaires ruraux, c' est à dire de travailleurs sans terres, sans moyens de production, contraints de s' employer, comme salariés, pour produire une marchandise qui a un marché mondial, le sucre;

- mais en même temps l' esclavage dans les colonies des Antilles est lui même directement issu du capitalisme marchand, qui incapable d' assurer la totalité des conditions d' émergences du salariat aura recours de façon permanente à la contrainte, l'esclavage, et à la traite, pour assurer sa reproduction sur des bases élargies, jusque à ce que sous la pression des esclaves en rébellion comme à Haïti, ou entrant en conflit avec le développement du capitalisme dominant leur métropoles, et attaqué de toute part au plan politique et idéologique il soit contraint à disparaître, non sans avoir laissé de profondes marques dans la société toute entière.

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Orientations bibliographiques

WILLIAMS (Eric) : "Capitalisme et Esclavage".
FRAGINALS (Manuel Moreno) : "El Ingenio".
PETITJEAN ROGET (Jacques) : "La société d' habitation à la Martinique".
PETITJEAN ROGET (Bernard) : "Contribution à l' analyse des structures agraires de la caraïbe"
Divers auteurs in : "Historial Antillais"
ORTIZ (Fernando) : "Los negros esclavos".
CARDOSO (Ciro Flamarion Santana) :"Esclavage colonial et economie" in cahier du CERAG
MOREAU (Jean Pierre ): "Les petites antilles de Christophe Colomb à Richelieu".
GREEN (William ) : "British slave emancipation : The sugar colonies and the great experiment 1830-1865"
HALL (Douglas ) : "Free Jamaïca 1833-1865".
CAMPBELL (C ) : "Cedulants and Capitulants, the politics of coloured opposition in the slave society of Trinidad 1783 - 1838."
DUNN (Richard ): "Sugar and slaves - The rise of the planter class in the english west indies 1624- 1713."
BENOIST (Jean ):" L' archipel inachevé".
BECKLER (Hilary ): " Caribbean slave society and economy".
DRESCHER (Seymour ): "The Econocide".
TORREL (Eduardo ):" Esclavitud y sociedad "
CEPERO BONILLA (Raoul ):" Azucar y abolicion".
DEINE (Carlos Esteban ) :" La esclavitud del negro en Santo Domingo 1492 - 1844".
HELLY (Denise ): "Idéologie et racisme : Les chinois Macao à Cuba".
DABYDEEN (David ):" India in the Caribbean".
MINTZ (Sydney ): in " People of Pueto - Rico".
MINTZ (Sydney) :"Sucre blanc Esclaves noirs".
MINTZ (Sydney) et autres : "Esclaves = facteur de production"
GENOVESE (Eugene D ): " Economie Politique de l' esclavage".
C.E.R.M. : "Sur les sociétés précapitalistes".
C.E.R.M. : "Sur le féodalisme".

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Wednesday, October 04, 2006

A-1 Question de méthode

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Il nous faut ici, l’empruntant à l’anthropologue Maurice Godelier, rappeler ce qu’est l’Economie.

« L’économie se présente comme une réalité sociale complexe, parce qu’elle est un champ particulier de tous les rapports sociaux, des activités tournées vers la production, la répartition, la circulation, la consommation d’objets matériels (biens et services) et en même temps par les mécanismes de cette production, de cette répartition, de cette circulation, de cette consommation et de leur reproduction, un aspect particulier de toutes les activités non économiques. »

Remonter de proche en proche du présent au passé le plus récent.

Pour arriver à identifier et les phases, et les éléments explicatifs, nous avons effectué une démarche qui est partie du début du XX° siècle, de ce qui était connu. Nous nous sommes ensuite efforcé de remonter de proche en proche l'histoire d'un certain nombre d'îles, en nous intéressant chaque fois à toutes une série de facteurs : le statut du travail, le statut de la terre, la disposition du capital argent, le rôle de la métropole vis à vis de sa colonie, la structure de la population, le taux de reproduction naturel, etc...

Appelons la situation économique finale au début du XX° siècle « situation F ». Par exemple nous observons dans la « situation F » que le salariat est maintenant établi dans toutes les îles sans autre contrainte que l’exclusion de l’accès à la terre et à sa propriété, et que la propriété privative de la terre est la règle. Enfin le capital est omni présent dans l’agriculture (même dans la micro exploitation).

Efforçons nous de remonter dans le temps et dans les îles de la « situation F » à la situation économique qui l’a immédiatement précédée, appelée « situation E ».

Cette période qui précède, la « situation E » est celle de la transition de l’esclavage, au salariat avec toutes une série de contraintes directes sur les travailleurs théoriquement libres, mais contraints de s’employer pour autrui. C’est aussi la période qui voit disparaître ce qui restait de la propriété collective de la terre, les terres domaniales au profit de la propriété privée. C’est aussi la période durant laquelle on observe que le capital industriel s’implante dans l’agriculture. Enfin c’est durant cette période que l’on observe la première grande désynchronisation de l’évolution des différentes îles de l’ordre du demi siècle.

On peut dire que la « situation F » est issue de la « situation E » ou que la « situation E » a généré la « situation F ».

Autrement dit la disparition de la contrainte directe a été une des conditions de l’instauration du salariat. Mais cette disparition n’a pu s’effectuer que parce que l’appropriation totale des terres a constitué un groupe de travailleurs sans terre contraint de ce fait de s’employer pour autrui.

Remontons encore un peu dans le temps dans chaque île et examinons du point de vue économique ci dessus défini, à quel moment l’esclavage est-il devenu dominant dans chacune des îles, c’est à dire à quel moment la quantité de travail esclave est devenu plus importante que la quantité du travail libre (même sous contrat). Appelons cette situation, la « situation S ».

On observe que les diverses îles ont vu l’esclavage devenir dominant à des périodes parfois très éloignées dans le temps de l’ordre d’un siècle ¾ entre une île comme Barbades et une autre comme Cuba. Examinons quelques uns des éléments qui peuvent expliquer cela, le rôle du capital marchand pouvant ou ne pouvant pas s’établir aux colonies, la place de la propriété privée, la traite qui permet de renouveler une population esclave déséquilibrée et n’ayant pas atteint son équilibre naturel.

On peut dire que la « situation F » est issue de la « situation E » ; et que la « situation E » est issue de la « situation S ». Mais on peut dire aussi dire la « situation S » a généré la « situation E », et que la « situation E » a généré la « situation F ».

Si on remonte encore au début de la colonisation, au moment où l’esclavage quoique existant n’était pas encore devenu dominant on observe l’origine de la colonisation et la façon dont elle s’exprime aux îles. On désigne cette situation par « situation D ».

On peut dire que la « situation F » est issue de la « situation E » ; que la « situation E » est issue de la « situation S » ; que la « situation S » est issue de la « situation D ». Mais on peut dire aussi dire la « situation D » a généré la « situation S » ; que la « situation S » a généré la « situation E », et que la « situation E » a généré la « situation F ».

Exposer l’évolution selon la chronologie historique

Ainsi nous avons pu mener une analyse qui pour les besoins de l'exposition respecte la chronologie historique alors que c'est en partant du présent que de proche en proche, nous avons pu déterminer le rôle des différents facteurs.